mercredi 2 avril 2008

Témoignage d'Alex


Le blog d'Ubu connaît un immense succès que nous avons du mal à gérer.


Nous ne pouvons publier tous les témoignages que nous recevons et nous vous prions de nous en excuser. Voilà l'un de ceux que nous avons retenus : celui d'Alex, professeur dans un collège du royaume contre-utopique d'Ubu, qui nous demande de lui venir en aide :


Je m’appelle Alex et je suis Professeur de Lettres / Histoire / Instruction civique et morale. J’ai 16 h dans le collège sur lequel j’ai été affecté, 4 h dans un autre collège et 8 h dans un lycée professionnel.

Eh oui, je fais 28 heures ! 22 pour mes obligations «statutaires» et 4 heures supplémentaires obligatoires (L’annualisation annoncée pour l’année prochaine risque d’aggraver tout cela...) Quant aux deux heures restantes je n’ai pas pu les refuser. Lorsque le principal m’a fait signer mon contrat avec l’établissement, il m’a fait comprendre que cela conditionnait son évaluation et donc la progression de mon salaire liée au mérite.



D'ailleurs, parlons-en de mon salaire : je touche une prime, qui, paraît-il, devrait couvrir l’augmentation de mes obligations de service qui sont de 22 %, mais la prime ne représente que 14 % de mon salaire annuel. Avec une inflation qui est à 7,5 % et l’apparition de la TVA sociale, mon revenu n’a pratiquement pas progressé. Et comme c’est une prime, elle ne compte pas pour la retraite que je devrai prendre de toute façon après 42 ans de service si je la souhaite à taux plein (le calcul des pensions se faisant par ailleurs désormais sur les 20 meilleures années, celle-ci a diminué).


En résumé, ayant commencé à exercer à 28 ans (vu le peu de postes au concours, il a fallu s'y reprendre à plusieurs fois !) je serai à la retraite à taux plein à 70 ans.









[C'est Derrick à la télé...]



Avec les problèmes d'incivilité et de violence croissants que l'on rencontre dans nos établissements, je ne sais pas comment je vais tenir le coup [à moins de passer une 4ème dan de karaté cf. image ci-contre]


Concernant les heures sup’, la défiscalisation est tellement compliquée que les retards de paiement s’allongent. Les fins de mois sont de plus en plus difficiles à boucler, notamment avec les augmentations de la CSG et de la CRDS, prétendument mis en place pour sauver une sécu qui ne rembourse presque plus rien. Le prof débutant commence maintenant sa carrière à 1,1 fois le smic (au lieu de 1,3 en 2008 et, paraît-il 1, 5 à une autre époque encore plus éloignée).



Je bosse au final au moins 60 heures : outre les 28 h sur mes établissements, je mets plus de 20h par semaine à préparer mes cours pour mes 4 niveaux, dans trois disciplines différentes que je n’enseigne pas forcément dans les mêmes classes. Ce qui me fait au total 13 classes (à 45 élèves par classe), soit près de 580 élèves, dans trois bahuts différents. Pour m'en sortir, je ne demande quasiment plus de devoirs rédigés. Je donne des QCM qui sont corrigés directement par le service de L'E.N.C. (Environnement Numérique du Collège). Les élèves savent à peine écrire leur prénom mais bon, on ne peut pas faire mieux.





D'ailleurs, je n’arrive toujours pas à connaître l’ensemble de mes élèves en fin d’année, alors pour ce qui est du suivi individualisé et des relations avec les parents (inclus dans mes obligations de service), cela reste bien théorique...Mais la Haute Inspection Ubuesque (enfin, ce qu'il en reste puisqu'on est à présent noté par nos proviseurs), ferme les yeux sur ce genre de petits dysfonctionnements. Elle n'est pas à ça près. Récemment, une étude a montré que 78% des élèves sortaient du secondaire sans disposer de plus de 120 mots et pouvaient être qualifiés d'illétrés. L'école Française (privé compris) se situe est passée de la 27ème place en 2008 à la 128ème.


Dans ma charge de travail, il faut que j'ajoute ma responsabilité de professeur principal d’une 3ème et d'une 5ème, qui me prend plusieurs heures, entre la « vie de classe » sans laquelle (indispensable dans ce collège difficile) et l’orientation, qui est devenue une énorme charge depuis qu’ils ont supprimé l’intervention des CO Psy dans les établissements. J'ai également quelques heures à faire dans le CDI du bahut depuis qu'ils ont supprimé les documentalistes. Du coup, on "tourne" avec les collègues.


Et tout cela, sans oublier bien sûr les transports entre mes 3 établissements distants de plus de 50 kilomètres.






Bref, je me sens tout simplement "écrasé (cf. image ci-contre) par la charge de travail !




Et tout cela est arrivé parce qu'on n'a rien fait ! Au troisième trimestre 2007/2008, un décret a repoussé à 4 le nombre d’heures supplémentaires qu’on ne pouvait pas refuser, permettant alors de préparer une rentrée qui sinon eût été impossible. A la même époque le ministre DarKvados a sorti le livre Blanc sur la « revalorisation de la fonction enseignante, appuyé sur l’excellent travail de Marcel Pochtron» avec exécution à la rentrée 2009, pour les débuts de carrière, dont je fais malheureusement partie.


Cela s'est passé lors d'une période de revers électoral de la droite aux municipales qui a été interprétée comme une demande des Français d’accélérer « les réformes ». Du coup, la révision générale des politiques publiques s’est mise en place. Le ministre de la fonction publique ubuesque a fait voter sa loi sur la mobilité dans la fonction publique, privant les fonctionnaires titulaires de leur garantie d’emploi. Tout ça dans un contexte de propagande médiatique anti-fonctionnaire.

Et personne n'a rien fait pour s'y opposer.



Aidez-moi SVP. Je suis désespéré.



Alex"









Aucun commentaire: