mercredi 8 février 2012

Communiqué : Les professeurs s’adressent aux parents,aux élèves, à leurs collègues et à tous les citoyens :


L’école est menacée, les enfants et les jeunes sont en danger
- 6 février 2012 -


Depuis des années et des années, une campagne de dénigrement des enseignants et de l’École est menée à grande échelle sous de multiples formes. Insidieuse ou brutale, elle est alimentée par des gouvernants et des responsables de l’Éducation nationale successifs qui essaient de répandre l’idée que les professeurs seraient « absentéistes », « conservateurs », « corporatistes » et, d’une façon générale, hostiles à tout changement.
Cette avalanche ne vise qu’à couvrir une très grave dégradation de l’école qui met en danger l’avenir de la jeune génération, en particulier celle des milieux populaires. Sous couvert « d’autonomie des établissements », on organise la concurrence entre collèges et entre lycées que l’on voudrait assujettis à des principaux ou proviseurs transformés en « patrons d’entreprises ». Un projet de décret de novembre 2011 prévoit même la suppression de toute évaluation pédagogique indépendante des professeurs dont la compétence serait soumise à la seule appréciation d’un chef d’établissement ignorant tout du contenu de la plupart des disciplines, de la façon de les enseigner et, pour certains, n’ayant jamais fait classe de leur vie.
Parallèlement, la carte scolaire qui imposait un certain mélange des élèves d’origines sociales différentes dans les zones urbaines a été démantelée au nom de la « liberté de choix ». Le résultat est un véritable « sauve-qui-peut » hors des établissementsréputés difficiles où se retrouvent concentrés des jeunes des familles populaires avec des taux d’échecs parfois très élevés.
Dans le même temps, les jeunes professeurs sont jetés sans aucune formation pédagogique réelle devant ces classes, partageant souvent leur emploi du temps entre plusieurs établissements et changeant d’affectation chaque année. La perspective qui leur est ouverte, comme à tous leurs collègues, est celle d’un métier qui en dépit de l’augmentation des salaires des débutants est de plus en plus mal payé.
Enfin, des discours insistants préconisent une plus grande présence des enseignants dans les établissements, ceux qui les tiennent feignant d’ignorer qu’une heure de cours pour être efficace exige une préparation sérieuse et un suivi personnalisé afin de vérifier la solidité des acquis. Tout se passe comme si ces « responsables » se moquaient de la qualité du travail fait, des apprentissages réels des élèves et étaient prêts à transformer durablement l’École en simple garderie. L’École est une institution de la République : l’État ayant le devoir constitutionnel
d’assurer l’égalité des citoyens devant l’instruction, la politique éducative de la nation ne saurait être déléguée à l’initiative locale, les horaires, les programmes, le recrutement et l’évaluation des professeurs doivent être les mêmes sur tout le territoire.
On ne saurait reprocher aux enseignants de lutter pour le maintien de ces exigences. Ils veulent que le métier d’enseigner puisse être bien fait et que tous les élèves puissent apprendre dans les meilleures conditions, surtout ceux qui en ont le plus besoin. Soucieux de l’avenir des jeunes sur le plan personnel, civique et professionnel, ils ne se résignent ni à leur appauvrissement culturel ni à leur sortie de l’institution sans qualification ni diplôme.
Les professeurs doivent être écoutés et entendus car ce sont eux qui connaissent le mieux leur métier. Nos associations, membres de la Conférence des Présidents d’Associations de Professeurs Spécialistes, appellent les professeurs à témoigner de la réalité de ce qui se passe dans les établissements et s’engagent à faire connaître ces témoignages à tous. Elles invitent les parents, les élèves et les citoyens à prendre connaissance de la situation réelle de l’école. Aux uns et aux autres, elles proposent d’engager le nécessaire dialogue pour sauver la jeune génération enconstruisant une école qui permette à tous d’apprendre et de trouver une place digne dans la société.
Témoignez, écrivez nous, informez-vous.
Pour tout contact : Secrétaire Général Philippe Blanc



ANPBSE : Association Nationale des Professeurs de Biotechnologies Santé Environnement
APAP : Association des Professeurs d’Arts Plastiques
APEG : Association des Professeurs d’Economie Gestion
APEMU : Association des Professeurs d’Education Musicale
APMEP : Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public
APFLA-CPL: Association des Professeurs de Français et Langues Anciennes en Classes Préparatoires Littéraires
APHG : Association des Professeurs d’Histoire Géographie
APL : Association des Professeurs de Lettres
APPEP : Association des Professeurs de Philosophie de l’Enseignement Public
APSMS : Association des Professeurs de Sciences Médico-Sociales
APV : Association des Professeurs de Vente
APLV : Association des professeurs de langues vivantes
CNARELA : Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes
SLNL : Société des Langues Néo-Latines
UPBM : Union des Professeurs de Physiologie, Biochimie et Microbiologie

mardi 7 février 2012

Edito de M.Julliard dans Marianne-Janvier 2012

Nous qui ne lisons plus le Nouvel Obs depuis bien longtemps en raison de son démagogisme et de son goût très prononcé pour les innovations pédagogistes à la Meirieu avons beaucoup apprécié l'édito de M. Julliard dans Marianne qui a quelque chose d'un mea culpa...Merci M. Julliard !


Sarkozy contre les profs
Editorial de Jacques Julliard, Marianne 769, 14 janvier 2012

Le discours sur l’école de Nicolas Sarkozy au Futuroscope de Poitiers, le 5 janvier, est une excellente illustration du paradoxe actuel : un candidat non déclaré, Nicolas Sarkozy lui-même qui fait Une campagne électorale effrénée, au rythme de deux ou trois propositions par semaine ; un candidat déclaré, François Hollande, qui donne l’impression de rester en dedans de son action et de se réserver pour la suite.

Elle dira, la suite, quelle tactique était la bonne, mais il n’est pas trop tôt pour souligner que Nicolas Sarkozy, fidèle à lui-même, se livre jour après jour à un extraordinaire jeu de bonneteau, où il s’agit de saturer l’atmosphère par l’abondance dés propositions, de sauter de l’une à l’autre pour interdire toute discussion sérieuse, de jouer du paradoxe et de la contradiction avec le plus grand mépris pour les facultés mentales de l’électeur. Cet enfumage permanent ne doit pas masquer la réalité qui se cache derrière: ce qui est acceptable dans ces propositions n’est pas nouveau ; ce qui est nouveau n’est pas acceptable.

L’école, donc. On vous le dit : les profs ne sont pas assez présents dans les collèges et les lycées ! De la part d’un pouvoir qui a commis par ailleurs l’hérésie pédagogique là plus énorme du demi-siècle écoulé - la suppression des cours le samedi matin, et la réduction à quatre jours de la semaine pour l’école primaire - il faut tout de même un toupet phénoménal pour laisser entendre que c’est la faute des enseignants s’ils ne sont pas assez présents ! Car, on vous le dit encore, le métier d’enseignant doit changer : en dehors des heures de cours, le prof doit être à la disposition de ses élèves pour les recevoir, les conseiller, les orienter.

Mais, reconnaît avec bon sens le président, « il est insensé que, dans nos établissements, les enseignants ne disposent pas de bureau pour recevoir les élèves dont ils ont la responsabilité». Or, je ne sache pas que les constructions de collèges et de lycées nouveaux aient prévu cette innovation majeure. Les enseignants ne demanderaient pas mieux que d’avoir cet instrument de travail minimal. Imaginez une entreprise privée où l’on serait obligé de recevoir les clients dais les couloirs ou dans la rue. En attendant la construction des 100 000 ou 200 000 bureaux nécessaires, les profs continueront de voir leurs élèves au bistrot. Et la fameuse « présence » sera un pur argument électoral.

Autre exemple : la notation des professeurs. La substitution du chef d’établissement à l’inspecteur spécialisé, annoncée à grand son de trompe, est une étape majeure dans la dégradation des enseignants détenteurs d’un savoir en un corps d’assistantes sociales (sans le diplôme !) et de gentils organisateurs d’un grand Club Med auquel on conserverait hypocritement le nom d’Education nationale. Car, enfin, sur quels critères le chef d’établissement se fondera-t-il pour noter ses profs ? Le proviseur - supposons-le angliciste - assistera-t-il une ou deux fois par an aux cours du prof de physique ou de mathématiques ? Ou bien se fiera-t-il aux plaintes des parents, aux racontars des collègues, aux SMS des potaches ? Quelles que soient les insuffisances de l’inspection actuelle, la mutation proposée signifie clairement ceci : que le savoir est devenu une chose insignifiante, que tout ce que la société attend du « professeur », c’est son aptitude à encadrer les élèves, à éviter les « histoires » et les « embrouilles ».

C’est un travail de police de la jeunesse, au mieux d’animation, parce que la société a peur de ses adolescents et compte sur les enseignants pour les occuper, les distraire, en attendant qu’ils deviennent adultes. Merci pour le cadeau!

Conscient de l’énormité de ce qu’il propose, «je ne vois rien de choquant à ce que l’on confie au chef d’établissement cette évaluation », Nicolas Sarkozy ajoute immédiatement : « A condition que les compétences disciplinaires continuent à être évaluées par l’inspecteur »... C’est exactement la situation actuelle ! Qui croire ? Personne ! Que croire? Rien ! Mais, en attendant, le président aura occupé le terrain.

Alors, au bout du compte, que restera-t-il de ce discours ? L’idée que les profs sont des absentéistes, des fainéants, des individualistes et qu’il faut augmenter leur maxima de service ! C’est le discours convenu des vieux caleçons de la droite profonde, c’est le moment où le vieux-tonton-qui-a-réussi-dans-la-vie vous agrippe par le bouton de votre veste : «Je reconnais que vos profs font un travail utile et difficile. Mais avouez que ce sont de sacrés conservateurs ! Ils ne sont pas “modernes” ! »

Voilà ce qui se cache derrière le langage du président de la République : la sourde hostilité, remâchée depuis des décennies, de la France des nantis à l’encontre des enseignants. Le discours de la rentabilité et du maintien de l’ordre.

Alors il est nécessaire de rétablir la vérité, et l’opposition ne le fasse pas davantage. L’enseignement a toujours été un métier éreintant, devenu depuis peu un métier de chien. Demandez-vous pourquoi on ne trouve plus de candidats aux concours de recrutement, plus de jeunes disposés à jouir de cette sinécure : les 18 heures d’enseignement par semaine?

A la lourdeur des tâches professionnelles dans l’éducation s’ajoutent la pression consumériste des parents, la lâcheté des élèves, la démission de l’Etat. Je comprends mieux aujourd’hui ce que voulait dire Kant quand il affirmait que l’enseignement a deux ennemis : l’Etat et les parents d’élèves. Il faut défendre, sans esprit de recul, comme un des acquis de la civilisation et une garantie de la démocratie la liberté du professeur dans sa classe. Elle est un des derniers remparts contre la vulgarité de l’époque, contre la toute-puissance de l’argent, contre la marchandisation de la vie. Ne nous trompons pas de cible : ce n’est pas l’école qui est malade, c’est la société qui est pourrie. Pourrie par l’argent. Par la pub. Par le fantasme de la réussite matérielle. Par le conformisme.
Réformer l’école ? Oui, sans doute ! Mais d’abord la défendre !

Suicide d'une collègue de maths

Novembre 2011

Mention du drame dans le Journal Le monde : petit encart "fait divers" où il est mentionné qu'une professeur de maths s'est immolée par le feu dans son établissement mais qu'elle semblait - bien sûr- présenter des fragilités psychologiques et rencontrer quelques problèmes "dans son enseignement"...Comment créer un non-événement. Merci les Médias !!!

"L’acte désespéré de cette enseignante témoigne, par sa violence extrême, de la violence également extrême à laquelle sont aujourd’hui soumis la plupart des enseignants de notre pays. On aura beau jeu, bien sûr, de mettre en avant la “fragilité psychologique” de la personne, ses “problèmes personnels”, sa “dépression”, comme s’est empressé de le faire le ministre de l’éducation, peu prompt à assumer ses responsabilités devant la destruction de l’école publique (pour faire le jeu des officines privées…Business oblige) mise en oeuvre par son gouvernement. Car enfin, on ne naît pas dépressif, on le devient ! Ce débat hypocrite et malsain est de toute façon clos, le procureur en charge de l’affaire ayant qualifié l’acte de “tentative de suicide en lien avec l’activité professionnelle”. Il incombe à présent aux médias et aux politiques de lancer un grand débat sur la souffrance du monde enseignant, point aveugle de notre République et symptôme de sa déréliction tant sociale que morale. À l’heure où l’un des deux candidats à la primaire socialiste en a fait son thème privilégié de campagne, il faut enfin se questionner sur le rôle de l’école, devenue “bonne à tout faire” de notre pays : parfois lieu d’instruction mais aussi, et surtout, grande garderie sociale visant à contenir les débordements d’une jeunesse dépourvue d’espoir et livrée à la barbarie d’un modèle privilégiant le cynisme, l’individualisme et la méchanceté, au détriment de toute vertu morale (qui ne s'apprend pas, soit dit en passant, dans les manuels de morale mais par l'exemplarité du monde adulte). On nous dit que cette enseignante était perçue comme “trop sévère” par ses élèves. Peut-être avait-elle simplement conservé quelques exigences disciplinaires, contrairement à la démagogie que tout un discours pédagogiste nous invite à servir, préférant ainsi une pseudo-adaptation aux « réalités » d’un public massifié plutôt que son élévation. Le fait que cet évènement se soit produit dans un lycée et non dans un collège réputé difficile montre aussi les limites d’un système qui, après le collège unique, a ouvert le lycée à tous, sans aucune sélection – ou presque – à l’entrée, transformant le baccalauréat en “droit pour tous”. La République livre ainsi ses os à ronger, professeurs et diplômes, à une jeunesse laissée sans avenir et sans repères éducatifs. Le sacrifice extrême de cette femme, mais aussi celui de tous ces enseignants brisés par leur métier, mérite plus que de simples incantations et de belles promesses de campagne. Sans céder à l'angélisme, il faut rapidement se préoccuper de cette jeunesse que nous laissons derrière nous car c’est l’avenir de la civilisation, comprise comme antidote à la barbarie, dont il est ici question ”

Baccalauréat cuvée 2011

juillet 2011 - Nous publions ci-dessous un texte qui a attiré notre attention et qui nous a été envoyé par un professeur de philo désespéré par le niveau des copies qu'il corrige. Attention, si ce texte est sans aucun doute "non politiquement correct", il ne peut pour autant être tout simplement condamné sans prendre au sérieux les réalités qu'il met en avant (l'inculture des candidats en l'occurrence). On le critiquera au nom du fait qu'il "discrimine socialement des catégories d'élèves" alors qu'il met en avant l'échec patent de l'un des fondements de l'idéal républicain : l'instruction publique et disons-le en même temps, de la démocratie (car comment celle-ci peut-elle fonctionner sans l'éducation de ses membres ?). C'est un thème sérieux dont il faudrait que la gauche s'empare...au lieu de laisser une droite peu scrupuleuse l'utiliser, en faire ses choux gras et ses slogans de campagne tout en accélérant la coulée du Titanic public aussitôt aux commandes...


"Comment supporter, cette année encore, d’entendre nos gouvernants et nos spécialistes en science de l’éducation se gargariser des nouveaux records de réussite au baccalauréat ? Comment pourrait-il en être autrement quand tout est fait pour que de tels taux, dignes de Républiques bananières soient atteints ? Cette année, on a confié le bac technique aux jeunes profs, m'a-t-on dit, car ils sont plus "cool"...En sur-notant les candidats, comme on nous y invite, nous collaborons bon gré mal gré à la grande entreprise de mystification qu’est devenue la distribution de cet examen. Dans les pays voisins, nul n’a cédé à une telle démagogie : en Suisse, comme en Allemagne, le lycée demeure un privilège des élèves véritablement capables et désireux de poursuivre des études supérieures (environ 30 à 40%), ce qu’accompagne, bien sûr, une véritable politique de promotion et de valorisation des études professionnelles, tant injustement dénigrées en France. En Allemagne, nul n'a besoin d'un "bac" (Abitur) pour réussir dans la vie et faire carrière: l'ascenseur social fonctionne encore un peu et ceux qui ont du mérite peuvent encore tirer leur épingle du jeu. En France, ce n'est plus le cas : la reproduction sociale a atteint des records eux aussi inédits ainsi que le taux de chômage des jeunes. Alors que fait-on ? On donne le bac à tout le monde en espérant ainsi acheter la paix sociale et s'exonérer de toute politique éducative professionnalisante sérieuse (qui coûte soit dit en passant plus chère que des études générales ne nécessitant aucun investissement en matériel).
Peu importe si la déroute de cette entreprise (90% des jeunes Français au Bac) est de plus en plus difficile à cacher : dans la France de nos idéologues, une réalité que l’on tait n’existe pas et « mettre le couvercle » sur les choses qui fâchent, véritable sport national, nous aidera sans doute à partager le constat de nos spécialistes : « le niveau monte »…

Bref, me voici, prof de philo, corrigeant des classes STI et STL (industrie et laboratoire) : 121 copies, 10 jours de correction parsemés de réunions. L’exercice n’est pas aisé mais le nombre de copies à corriger en un temps record n’est pas le principal problème. Celui-ci se résume, pour l’essentiel, à la question suivante : comment noter le Néant ? Comment noter l’indigent, l’inexistant, le rien ? Toutes les notes inférieures à 5 devront faire l’objet d’une deuxième correction, le 0 est tacitement proscrit car il exige un rapport… L'inspecteur nous a demandé de valoriser tout ce qui était "valorisable" (nous saurons gré par exemple aux candidats d'avoir passé un peu de temps sur leur copie, d'avoir usé un peu leurs stylos...)Dans l'éduc nat des Bisounours, tout le monde est gentil, tout le monde doit être récompensé pour ses menus efforts... Chaque copie est pourtant pour moi une douleur morale (l'épreuve du bac n'est plus une épreuve si ce n'est pour le correcteur...)

Comme on voudra faire croire aux intéressés qu’ils sont exactement comme les autres (impératif catégorique d'égalité démocratique), les élèves du technique auront à faire face à des sujets classiques de philosophie, c’est-à-dire au choix entre deux sujets de dissertations et une explication de texte, "on ne peut plus traditionnels" (à se demander si ceux qui les conçoivent savent à qui ils s'adressent...). Le premier sujet (« l’art est-il un moyen d’accéder à la vérité ? ») a été, sans surprise, très peu choisi, les candidats à ce bac n’ayant en général malheureusement pas une culture artistique et un capital culturel leur permettant de remplir le minimum syndical des 2 pages (avec saut de ligne) qu’ils se donnent généralement comme objectif. Bref, je n’y apprendrai pas grand-chose à part, quand j’aurai de la chance, que « l’art, de toute façon, ne sert à rien"(ce qui ne serait pas si mal si on pouvait accorder une quelconque valeur à l'inutilité)ou, pour les plus spécialistes que "Picasso est un peintre réaliste et cubiste". Les références ne sont pas le problème majeur : celui -ci réside plutôt dans l'incapacité des candidats à aligner deux ou trois phrases entretenant entre elles un quelconque lien logique.

Arrive le deuxième sujet qui est un véritable objet de torture moral quand je pense aux élections à venir et à l'idéal démocratique : « Est-ce la loi qui définit ce qui est juste ? » J’y apprends, là, par contre beaucoup de choses sur le niveau de culture institutionnel des candidats :

Extraits : « Les règles, les lois furent instaurer en 1849 dans une charte : La déclaration des droits de l’homme et du citoyen » ; « En France, tous les citoyens sont soumis aux mêmes règles écritent dans la déclaration officielle des droits de l’homme et du citoyens » (référence indépassable, la DDHC est le seul exemple de « loi » que les candidats sont capables de citer); « Plus le temps passe et plus il y a de lois car la population augmente et le gouvernement cherche à l’ordonner au maximum. Mais on peut facilement se douter que parmis cette montagne de lois, certaines d’entre elles sont mal conçues et présentent des erreurs. » (introduction) ; « Grâce à la loi un homme est égal et libre » ; « Quand on parle de la loi, on parle généralement des lois décidées et approuvées par le gouvernement ou le gérant d’un pays »; « juste est la racine du mot justice qui provient du champ lexical de loi » ; « la loi est une chose qui a été créé par l’homme » (tentatives de définition) ; « la loi est faite pour tout un pays pareil ; elle nous met dans le même sac considérant que se soit bien pour une majorité » ; « la loi est juste si celui qui la décrète le veux, du moins si il est extrêmement difficile d’établir un texte qui fixera des droits véritablement égaux à tous ou encore réservés à des catégories désavantagées » ; « les lois sont propres à chaque pays et sont décidé par le gouvernement » ; « il y a plusieurs sortes de lois, elles peuvent être données par un pays, par un foyer par un travail, par une entreprise…Nous ne sommes donc pas tous concernés par les mêmes lois. Mais au quotidient, on est tous litéralement entourés de lois »…

Concernant le sujet 3 portant sur un texte de Bergson relatif à la liberté, je ne serai pas mieux servie…Une candidate m’expliquera par le menu que la liberté, c’est avoir le choix entre un restaurant mexicain ou un restaurant asiatique mais que de toute façon, aucun n’est un bon choix car elle a des kg en trop. Un autre candidat m’expliquera qu’en France, on n’est pas libre car on n’a pas le droit de voler dans les magasins…Le reste est à l’avenant…

On lit à longueur de colonnes de journaux que le métier des profs a changé, qu’il leur faut intégrer leur nouvelle mission : éduquer. Nous n’avons plus pour seul rôle d’instruire ; il nous faut éduquer, divertir, récompenser les gentils « apprenants » …N’est-ce pas là un gâchis total d’argent public ? Former des certifiés et des agrégés hautement compétents dans leurs matières pour qu’ils finissent en «travailleurs sociaux », en instituteurs de jeunes adultes récalcitrants le plus souvent à tout apprentissage . Pour ma part, je ne rêve plus que d’une chose : quitter le navire qui coule, partir vers d’autres horizons où la qualification ne serait pas une chose dont on devrait avoir honte, aller vers des pays où le métier d’enseignant peut encore s’exercer dignement…Comptera-t-on les enseignants dans les statistiques de la « fuite des cerveaux » ou la comptera-t-on pour rien, au rang des pertes et profits de la République ?!"

jeudi 27 mai 2010

Dans le lycée de demain, quel rôle pour l’enseignant ? ….ou « vendre ou apprendre il faut choisir ? »

Depuis quelques années, les différentes réformes de l’éducation ont modifié les rapports «profs - élèves - savoir». Alors qu’auparavant ces derniers reposaient sur un dispositif triangulaire, ils ont été modifiés pour passer à un dispositif circulaire où l’élève est placé au centre (Révolution copernicienne de M.Allègre).
Cette évolution peut paraître tout à fait louable. Mais sous prétexte d’intéresser l’élève, qui est devenu un client à satisfaire, les savoirs et les exigences ont peu à peu été mis de côté.
Avec la réforme du lycée, nous atteignons le summum de cette révolution copernicienne. La matière que j’enseigne en seconde fait partie des enseignements d’exploration proposés aux élèves à la rentrée prochaine. En quoi consistent ces enseignements ? Quel est leur but ?

Dans le discours que l’on nous assène, le premier argument est qu’« il faut faire plaisir aux élèves » (si si…) ! Cela signifie la disparition de réelles compétences à atteindre, de savoirs véritables à transmettre et évidemment d'évaluations (qui incarnent la fameuse « pédagogie par l’échec » tant conspué par nos pédagogues) !!! Ce qu'il faut, c'est que les élèves « s'éclatent » pendant nos cours, qu'ils s'amusent, qu’ils soient contents d’être avec des animateurs sympas (type colonies de vacances ?)…Il faut leur donner envie de continuer dans nos filières en première.

En un mot, il faut vendre nos formations. A nous d’être de bons vendeurs aujourd’hui pour avoir du travail demain. Nous serons en effet tenus pour responsables de l’absence de candidats dans nos filières …La loi du marché a pénétré un nouveau secteur : celui de nos lycées. Cette politique permet une mise en concurrence des lycées mais également des profs entre eux (diviser pour mieux régner).

Notre métier évolue. Désormais, nous passons du statut de profs à celui d’ animateur ou de vendeur…Vendre ou apprendre, il nous faudra choisir…Ceux qui réussiront le mieux ne seront pas forcément les plus glorieux…

vendredi 9 avril 2010

Le rectorat recrute ses profs !à l'ANPE !!

Un con, ça ose tout : c'est même à ça qu'on le reconnaît !
Audiard







mercredi 7 avril 2010

Le gouvernement fait sa pub !

Est-il légitime qu’un gouvernement investisse des millions d'euros pour faire le service après-vente de ses réformes ?

Les suppressions de postes dans l’Education Nationale se poursuivent. Le gouvernement Sarkozy a en effet prévu de dégraisser le mammouth de 80000 enseignants à l’horizon 2012 alors que la violence en milieu scolaire explose, comme le rappelle la convocation d’Etats généraux sur la question (7 et 8 avril), notamment en raison de la diminution de la prise en charge des enfants et des adolescents par des adultes formés et compétents. Mais peu importe ! La logique gestionnaire doit l’emporter sur tout projet de société ! Comme l’avait indiqué Philippe Seguin dans son rapport de la Cour des comptes, il s’agit là de petites vue comptables court termistes.

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Par ailleurs, une réforme des lycées est en cours qui doit prendre effet à la rentrée prochaine en classe de seconde. Apparemment, il n’y a pas de lien entre ces deux faits, le seul but de cette réforme étant bien sûr d’améliorer l’enseignement en lycée. C’est oublier encore une fois que les considérations comptables l’emportent largement sur les considérations pédagogiques, cette réforme n’ayant d’autre but que de charger un peu plus les classes pour diminuer le nombre d’enseignants, le tout masqué sous un vernis de buts louables. Le but non avoué du gouvernement sera donc de déguiser cette logique aux yeux de tous. Comment ?! Par un procédé vieux comme le monde : la propagande…

S’il y a en effet un domaine dans lequel le gouvernement ne fait pas d’économies, c’est celui de la communication. Personne n’a pu , par exemple, échapper au matraquage publicitaire sur le pouvoir d’achat dont la campagne a été conçue par l'agence Young & Rubicam pour un budget mirobolant de 4,33 millions d'euros. En période de crise et de rationnement pour « tous » et en particulier pour les services publics, cela mérite d’être noté…

Mais surtout, sous prétexte d’informer les jeunes sur les nouveaux programmes du lycée, le gouvernement fait sa pub sur internet et sur les radios de jeunes (Virgin radio, NRJ,…).

http://www.education.gouv.fr/nouveau-lycee/documents.php

Il y a une grande différence entre information et publicité ! Dans notre cas, il s’agit bel et bien de pub et plus exactement de propagande du gouvernement, le but de cette campagne étant de persuader les jeunes (et leurs parents) que ces réformes apporteront un « plus » à leur éducation afin qu’ils y souscrivent.

Prenons l’exemple du spot publicitaire radio sur l’accompagnement personnalisé (thème on ne peut plus vendeur qui consiste à culpabiliser les profs en réconfortant les parents). Le scénario du spot, en gros, est le suivant :

  • Jeune : c’est quoi le cosinus de 60°, trop duuur toutes ces formules, c’est pas gagné ce contrôle…
  • Adulte : Excusez moi, c’est pour le nouveaux lycée, vous allez entrer en seconde ?
  • Jeune : oui.
  • Adulte : Et ça vous dirait d’être accompagné dans votre scolarité ? *
  • Jeune : ce serait pas mal oui !
  • Adulte : ce sera le cas, car des la rentrée 2010 chaque élève de seconde pourra bénéficier d’un accompagnement personnalisé de 2h par semaine…
  • Jeune : Ah ! je sais, cosinus 60° c’est ½…
  • Etc.

*ce qui suggère, implicitement, que les enseignants n’accompagnaient pas leurs élèves auparavant…et occulte le problème crucial du manque de travail personnel fourni par les élèves en temps normal, thème qui n’est jamais évoqué…Mais enfin, que font les enseignants ??!!

A l’écoute de ce spot publicitaire, on comprend qu’un professeur passera 2h par semaine avec chaque élève (voire un petit groupe d’élèves) pour lui venir en aide sur tous les points où il rencontra des difficultés. Comme par hasard, dans le spot, il s’agit d’un cours de soutien en maths : C’est porteur les maths en communication…

La vérité est tout autre :

  • Il est bien prévu 2h par semaine d’accompagnement personnalisé en classe de seconde (puis en première et terminale), mais celles-ci seront réalisées en classe entière (35 élèves) ce qui fait environ un temps de 3 minutes par élève…
  • Ce ne sont pas des heures prévues pour du soutien (même en maths..). En fait, Il n’y a pas de programme défini. Ce sont les enseignants qui doivent définir un projet d’utilisation de ces deux heures hebdomadaires en fonction des besoins de chaque élève (soit des 35 élèves). Beau projet, sacré casse tête.

Il en va de même pour la qualité des différentes informations disponibles sur le site du gouvernement. Une information incomplète et orientée. Bref, de la propagande !

Comment ne pas s’indigner d’un tel matraquage médiatique de la part d’un gouvernement dans le but de soutenir ses réformes…A l’heure où chacun est sommé de faire des efforts et de participer à l’effort collectif, on attendrait davantage de justice et de transparence de la part de notre pouvoir politique …



jeudi 18 mars 2010

Le pédagogo Mérieu contre l'école

Bonjour à tous,

nous reprenons nos activités, après un an d'absence, puisqu'on a eu l'amabilité de nous faire de la pub et que cela nous a revigorés. Merci donc à Marianne, journal républicain de gauche, d'avoir publié cet article avec lequel nous sommes en tous points d'accord.

Nous revenons avec un nouveau slogan emprunté à J.F. Kennedy,

"chers parents, ne vous demandez pas ce que peut faire l'école pour vous (et vos enfants), demandez-vous plutôt ce que vous pouvez faire pour elle (et par conséquent pour vos enfants !"

La société a besoin de reprendre en main la charge éducative au lieu de la confier exclusivement à l'école sans (en plus !) lui donner les moyens de l'exercer...

http://www.marianne2.fr/Philippe-Meirieu-envoie-l-Ecole-au-compost_a189676.html

Philippe Meirieu envoie l'Ecole au compost
Anne Frémaux - Mariannaute Dimanche 7 Mars 2010 à 13:01 Lu 18019 fois
Texte inspiré d'un article de Paul Ariès paru dans le journal La décroissance

Philippe Meirieu, ex-directeur de l'IUFM de Lyon et grand défenseur des thèses pédagogistes, est tête de liste Europe Ecologie pour les Régionales en Rhône-Alpes. Mais des militants de gauche attachés à l'Ecole républicaine, comme Anne Frémaux, professeur de philosophie, ne pourront voter pour lui.

Je suis enseignante depuis 8 ans, professeur de philosophie. J'ai eu l'occasion, notamment au cours de l'élaboration de mon mémoire de titularisation, de rencontrer les écrits de Philippe Meirieu, lui-même philosophe de formation, et de prendre connaissance du combat qui l'a opposé, au sujet de l'éducation, à ceux qu'on appelle les « républicains » (pédagogistes versus républicains).

Or, M. Meirieu, ex-directeur de l'IUFM de Lyon, professeur de « sciences de l'éducation » a été désigné comme tête de liste d'Europe Ecologie en Rhône -Alpes, à l'initiative des frères Cohn Bendit (qui, peu regardants, ont même été jusqu'à exhumer, en Alsace, Antoine Waechter un vieil écolo de droite, que Mitterrand avait fait monter dans les années 90 pour contenir le mouvement écologiste sur sa gauche...).

Macdonaldisation de la pensée
Philippe Meirieu peut être considéré comme l'introducteur, en France, des nouvelles pédagogies importées des Etats-Unis et dont la dangerosité a déjà été analysée par Hannah Arendt dans les années 60 (voir à ce sujet La crise de la culture).

L'idée est la suivante : pour faire face à la massification de l'enseignement, il faut une «massification » de la culture. Les enfants des milieux populaires n'étant pas jugés aptes à bénéficier d'une culture traditionnelle, « classique » (qui sera donc dédiée aux élites), il faut leur réserver un apprentissage adapté à leur milieu social et à leur niveau. P. Meirieu eut à ce sujet cette phrase édifiante qu'il dit ensuite avoir regrettée : « les enfants des classes populaires peuvent très bien apprendre le Français dans des notices d'utilisation » .

Véritable Macdonaldisation de la pensée, cette idéologie a été accompagnée d'un changement de vocabulaire dont la dangerosité n'a d'égal que son imbécillité : ainsi un élève n'est plus un «élève » mais un « apprenant » (dimension active censée masquer la réelle inertie du dit-élève), un ballon n'est plus un ballon mais un « référentiel bondissant », un « stylo» est devenu un « outil scripteur », autant de mots savants censés donner une légitimité scientifique à des experts ès éducation (sciences de l'éducation) qui n'ont jamais vu un « apprenant » de leur vie.

Le savoir sacrifié
L'apprenant, grâce à P. Meirieu, grand fondateur des IUFM, proche de Allègre et de Jospin (cf. la loi d'orientation de 1989) est placé « au centre du système éducatif », prenant la place du savoir et de la culture (moyen, au passage, de culpabiliser les enseignants qui, jusque là, il est vrai, n'avaient pas considérer leurs élèves comme destinataires de leur savoir, n'est-ce pas ?!!)

L'école n'est donc plus un lieu de « transmission du savoir » (le savoir étant considéré comme rébarbatif comme tout ce qui a trait à la contrainte éducative) mais un « lieu de vie » où nos jeunes sont censés s'épanouir de façon ludique - d'où les recommandations faites aux jeunes enseignants dans les IUFM de ne plus les corriger en rouge et de ne plus évoquer devant eux ce mot tabou qu'est le « travail ».

Il s'agit de laisser croire que tout peut s'obtenir sans effort, de façon agréable, que tout peut être consommé. C'est à l’enfant, dès lors, qu'il appartiendra, quasiment par ses propres moyens (puisque le prof n'est plus doué d'autorité pédagogique), de redécouvrir le savoir accumulé au fil des siècles...Vaste fumisterie...

Exit donc l'effort, la discipline, les estrades, le par cœur, les classiques, les cours magistraux...Bienvenue le ludique, les romans de gare étudiés en classe, la disposition de classe en U pour faire plus « cool », l'interactivité (c'est-à-dire les cours transformés en café du commerce...) et les TIC (technologies de l'information et de la communication : vaste programme présenté comme un sésame qui consiste à mettre les élèves devant des ordinateurs ou des films au lieu de faire cours...)...

L'ascenseur social en panne
Un cours réussi est un cours où l'enseignant parlera le moins possible, qu'on se le dise ! Le prof est conçu comme l'"animateur" (terme qui figure dans les textes officiels) d'un grand foutoir organisé destiné à satisfaire l'envie de plaisir et de jouissance des élèves (qui, en théorie, sont « naturellement » disposés à s'enrichir intellectuellement...Sorte de théorie du «bon sauvage » appliqué aux enfants).

Et pour couronner le tout, on laissera aux parents le soin de décider des passages dans les classes supérieures et on s'efforcera de supprimer toute forme d'autorité et de sanction, dans les établissement scolaire de seconde zone afin que la diffusion du savoir y soit rendu impossible (les établissement d'élite ayant, bien entendu, des régimes particuliers : on continue à y enseigner le grec, le latin, l'allemand, et bientôt l'histoire...autant de matières abrogées dans les autres).

Le hic, bien sûr, c'est que le savoir est toujours nécessaire pour accéder aux postes à responsabilité et son acquisition n'étant plus permis par l'école, seuls ceux qui, socialement, en disposent chez eux, peuvent espérer y parvenir. Les classes moyennes les plus modestes sont donc les premières victimes de ce déclassement organisé (les classes populaires n’y ayant jamais eu vraiment accès, sauf de façon marginale). D’où le sentiment de malaise et la peur grandissantes que ressentent ces foyers au sujet de l‘avenir de leurs enfants.

On pourra ensuite, toujours s'étonner que l'ascenseur social ne fonctionne plus et vouloir, pour y remédier, obliger les grandes écoles à diminuer le niveau de leur concours pour une minorité, au nom de la discrimination positive (véritable oxymore).

Elever le niveau
On remarquera qu'il s'agit là de prendre le problème à l'envers. Que diriez-vous, plutôt, d'élever le niveau des classes populaires à celui des classes bourgeoises grâce à un enseignement de qualité que sont parfaitement capables de dispenser les profs de notre pays (très bien formés jusqu'à présent !!!...)

Mais bientôt, le niveau des profs (suppression des concours et réforme des méthodes de recrutement) sera aligné sur celui des élèves, ce qui supprimera toute velléité de dissidence encore trop prononcée chez des profs trop bien formés et donc mécontents de l’écart qu’ils voient se creuser entre ce qu’ils pourraient faire et ce qu’on leur demande de faire : la droite libérale ne fait qu’achever le programme socialiste mis en œuvre via Allègre et Meirieu depuis 1989.

La méthode promue par Meirieu a tout simplement rendu tout enseignement impossible dans les nombreux établissements où elle été mise en application : selon la formule de Liliane Lurçat (Vers une école totalitaire ? Guibert, 1998), le pédagogisme est une méthode anti-intellectuelle qui organise la destruction des intelligences et qui accuse d'élitisme toute forme de transmission de savoir.

L'élitisme pour tous
Pour ma part, je remercie l'école « élitiste » d'avoir permis à ma mère, sortie de l'école à 13 ans, de maîtriser parfaitement sa langue maternelle et d'avoir pu, grâce à cela, exercer avec dignité le métier de secrétaire que beaucoup de nos bac + 2 actuels seraient incapables de faire ,en raison de leurs "faiblesses" (euphémisme) syntaxiques et orthographiques.

Je remercie, pour ma part, mon institutrice de campagne d'avoir eu une conception « élitiste» de l'enseignement ainsi que tous mes enseignants de collège et de lycée de banlieue populaire car ils m’ont ainsi permis d'accéder aux plaisirs de l'apprentissage et de la culture. Avec un Philippe Meirieu aux commandes, je n'aurais certainement pas eu cette chance...

Soyons clairs : l'idéologie pédagogique de P. Meirieux est en grande partie responsable des dysfonctionnements et de la violence que nous rencontrons aujourd'hui à l'école. Pour ceux qui ne sont pas convaincus de la nocivité des méthodes pédagogistes, je conseille le visionnage du film, malheureusement trop peu diffusé, « La journée de la jupe » (avec I. Adjani), dans lequel on peut dire que Meirieu est le principal mis en cause.

Quoiqu’il en soit, pour moi qui suis une républicaine de gauche, fervente partisane de services publics de qualité dont l’école est l’un des emblèmes, ce candidat ne saurait être le mien...

Propos inspiré d'un article de Paul Ariès, journaliste dans le mensuel la décroissance

Pour aller plus loin
Qui a eu cette folle idée de casser l'école de Fanny Capel, éditions Ramsay (2004)
La Fabrique du crétin, La Mort programmée de l’école de Jean-Paul Brighelli, éditions Gawsewitch, 2005
L'enseignement de l'ignorance, de J.-C. Michéa éditions Climats (2006)

vendredi 30 janvier 2009

Les rustines de l'éducation...



L'année dernière, le rectorat a désigné volontaire le lycée où j'enseigne comme établissement pilote pour mettre en place du soutien. Il faut dire que mon lycée n'est pas dans les premiers de l'académie. Enfin tout est relatif, ça dépend des critères pris en compte pour ces fameux classements et surtout du sens dans lequel on lit le classement...Bon, je m'égare...

Revenons à cette histoire de soutien. Quoi de révolutionnaire, vous allez me dire ?! ça existait déjà. Mais non, car cette fois il s'agit de soutien ++ (toujours +, ce Sarko). En fait, ce sont des heures de soutien (environ 1000 pour l'année dans mon bahut) qui peuvent être faites dans n'importe quelle matière, pendant l'année scolaire mais également pendant les vacances scolaires (petites et grandes). Ce soutien ne fait pas l’objet d’évaluations. Il s’agit uniquement d’aide. Alors là, on peut se dire que le gouvernement met le paquet pour la réussite de nos élèves, tout ça aux frais du contribuable : Acadomia n'a plus qu'à déposer le bilan...beau geste, ça paraît même un peu louche. Comme dirait l'autre, y a mérou sous le cailloux, voire gravillon sous éléphant...


Réfléchissons ensemble sur les raisons de cet élan de générosité...


Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai rien contre la mise en place d'un soutien fait intelligemment pour des élèves motivés. Encore faut-il que ce soutien ne soit pas une rustine (voire un cataplasme) permettant de remédier aux insuffisances des enseignements de base mis en place avec les nouveaux programmes des lycées.

  • Moins d'heures de cours dans quasiment toutes les matières.

  • Classes surchargées (c'est déjà souvent le cas).

  • Suppression des heures d'aide individualisée.

  • Suppression des cours en modules (½ classe).

  • Non évaluation d'un certain nombre des matières enseignées (sous-matières appelées « modules d'exploration »...); efficace pour motiver les élèves… Il faut au moins ne jamais avoir enseigné, pour penser à des choses pareilles.

  • Etc.


Un des secteurs industriels important est la maintenance. L’évolution de ce métier engendre qu’il consiste de moins en moins souvent à remettre en état un outil de travail mais beaucoup plus à aller à la rencontre des dysfonctionnements, à les anticiper. On est ainsi passé d’une "maintenance curative" à une "maintenance préventive". En ce qui concerne l'enseignement, ne sommes nous pas en train de passer, au contraire, de « programmes préventifs » à des « programmes curatifs » : enseignement au rabais toute l'année (cf. collèges et lycées light que la prochaine réforme ne va faire qu’aggraver) mais quelques heures de soutien pendant les vacances assurées par quelques « super profs » motivés (payés en heures supplémentaires) pour faire croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des monde. Les parents, nouveaux « clients » du système éducatif, seront-ils dupes ?

Heureusement d’ailleurs qu'ils sont là, ces super profs motivés, ceux qui veulent remonter la France qui va si mal parce qu'on ne travaille pas assez...Heureusement qu'ils sont là pour pallier les manques d'apprentissage dus aux multiples jours de grèves faits par ces fainéants de profs toujours à se plaindre...

Bravo, Monsieur Sarko de diviser le corps enseignant : d'un côté le bon prof toujours prêt à travailler plus pour gagner plus (ou peut être juste à gagner + ) et de l'autre côté, le prof revendicatif et gréviste qui se bat pour avoir un système éducatif qui tient la route (pas comme les pneus crevés et rustinés). Un système qui joue son rôle d'ascenseur social. Bref, un prof toujours prêt à se battre plus pour un enseignement plus (mais un prof qui gagne moins…).


Par ailleurs, je pense qu'il y a également, de la part du gouvernement, un magnifique effet d'annonce. Regardez mesdames et messieurs, vos enfants aussi vont pouvoir travailler plus et sans que vous ne dépensiez plus... Vous avez vu comme on s'occupe bien d'eux...

Désormais, si les élèves n'ont pas suffisamment travaillé pendant l'année scolaire et ont préféré, en bons petits consommateurs abrutis, jouer sur leur PC ou mater les super programmes télé lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, on leur fera une bonne petite semaine de soutien, en petits groupes privilégiés de 15 élèves aux maximum pendant les vacances scolaires pour les préparer aux bacs ou à la classe supérieure (sympa le « permis de glander »). En effet, un des buts de tout ça, c'est également qu'il n'y ait plus de redoublement. Ca coûte cher les redoublements ma p'tite dame et ça ne sert à rien... L'Etat n'a plus d'argent, du moins pas pour éduquer le petit peuple...


Voilà, pour conclure, à partir de l'année prochaine, je suis un p'tit prof modèle. Je n'en fais pas lourd pendant l'année mais je ne fais jamais grève... Je fais en sorte qu'un petit nombre de mes élèves (entre 10 et 15) ait besoin de quelques cours en plus. Je demande à faire des heures de soutien que je viendrai assurer, payé en heures supplémentaires et dans de bonnes conditions de travail (peu d'élèves, peu de préparation et pas d'évaluation...cool).

Les petits conseils que je donne à mes enfants...travailler juste moyennement, ne vous fatiguez pas trop le soir, afin de profiter pleinement des heures de soutien, où là, vous pourrez enfin travailler dans de bonnes conditions...


Un prof anonyme. Cela est préférable par les temps qui courent... (cf. appel d'offres de Darcos pour la surveillance des profs) :

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article8673 )

lundi 24 novembre 2008

Collectif républicain d'enseignants néo-titulaires

samedi 8 novembre 2008

extrait du blog :

http://pouruneecolerepublicaine.blogspot.com


Déclaration d'intention d'un collectif d'enseignants néo-titulaires

Enseignants titularisés en 2008, nous venons d’apprendre que nous allions bientôt faire l’objet de la gracieuse générosité de notre ministre. Ce dernier en effet a annoncé en septembre qu’il octroierait, cette année, une prime de 1500 euros à chaque professeur titularisé en juillet dernier.
Pourquoi cette somme ? Pourquoi nous ? Pourquoi seulement nous ? Et non pas, par exemple, nos collègues qui enseignent depuis un an ou deux ? Ne connaissent-ils pas un équilibre financier aussi précaire que le nôtre ? Pourquoi cette prime donc, alors que personne ne l’a sollicitée, alors que les revendications des enseignants portent aujourd’hui sur des questions autrement plus importantes, des questions qui ont à voir avec la survie même de l’école républicaine ?Mystère impénétrable et fascinant de l’arbitraire de ceux qui nous gouvernent! Récompenses et châtiments alternent selon leur caprice ou les objectifs de leurs petites manigances.

En la circonstance, puisque c’est d’une gratification dont nous faisons l’objet, nous aurions dû nous réjouir, voire clamer notre gratitude envers le bienfaiteur. Mais reste un problème. Et M Darcos le reconnait lui-même (cf. Le Canard enchaîné 23/10) : toutes les mesures qu’il annonce depuis quelques mois ont pour finalité première de « masquer » ce qui se joue aujourd’hui à l’école. Cette prime, comme les autres “mesurettes” (introduction de médailles au baccalauréat, retour des cours de morale, etc..) vise à faire diversion, à cacher l’entreprise de démolition. D’ailleurs, même si le ministre le contestait, en arguant la main sur le coeur que par cette mesure il n’entend qu’œuvrer à ”l’amélioration de la condition enseignante”, il devrait encore reconnaître qu’il y a loin entre l’octroi conjoncturel d’un petit pécule, et la mise en place d’une vraie politique salariale globale. L’ironie en la circonstance étant que rien n’assure que cette prime sera reconduite, ne serait-ce que l’an prochain! Il faudrait donc faire preuve d’un aveuglement bien singulier pour ne pas voir que nous avons affaire là à une manœuvre dont le but est de dissimuler la réalité du désengagement historique de la puissance publique vis-à-vis de l’Ecole.

Voilà pourquoi, en tant que jeunes enseignants (sachant les classes surchargées, sachant combien nos collègues, d’année en année, se voient privés des moyens d’instruire correctement leurs élèves), nous ne pouvons recevoir béatement cette gratification, sans avoir le sentiment de nous faire un peu complices des basses manœuvres du cabinet Darcos. Et c’est pourquoi aussi un certain nombre d’entre nous a décidé de reverser tout ou partie de cette somme, en la mettant à disposition des chefs d’établissements et des équipes pédagogiques nouvellement déshérités qui exprimeraient, via notre site internet, des demandes précises concernant des besoins matériels nécessaires à l’instruction des élèves.

Leçon de littérature

" Que peut-il ? Tout. Qu'a-t-il fait ? Rien.
Avec cette pleine puissance, en huit mois un homme de génie eût changé la face de la France, de l'Europe peut-être. Seulement voilà, il a pris la France et n'en sait rien faire. Dieu sait pourtant que le Président se démène : il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète ; il cherche à donner le change sur sa nullité ; c'est le mouvement perpétuel ; mais, hélas ! cette roue tourne à vide.
L'homme qui, après sa prise du pouvoir a épousé une princesse étrangère est un carriériste avantageux. Il aime la gloriole, les paillettes, les grands mots, ce qui sonne, ce qui brille, toutes les verroteries du pouvoir. Il a pour lui l'argent, l'agio, la banque, la Bourse, le coffre-fort. Il a des caprices, il faut qu'il les satisfasse. Quand on mesure l'homme et qu'on le trouve si petit et qu'ensuite on mesure le succès et qu'on le trouve énorme, il est impossible que l'esprit n'éprouve pas quelque surprise. On y ajoutera le cynisme car, la France, il la foule aux pieds, lui rit au nez, la brave, la nie, l'insulte et la bafoue ! Triste spectacle que celui du galop, à travers l'absurde, d'un homme médiocre échappé ".
Victor HUGO, dans " Napoléon, le petit " Réédité chez Actes Sud.

EN LISANT CE TEXTE, VOUS PENSIEZ A QUI ? ...

vendredi 30 mai 2008

Faire mieux et plus avec moins : l'équation impossible !


Article du Monde, 29 mai 2008


Une catastrophe est en marche, plus grave que les nouveaux programmes de l'école primaire ou les suppressions de postes qu'on dénonce dans la presse ou dans la rue. Il sera facile, en effet, de revenir sur ces mesures.
La suppression de deux heures de classe dans l'enseignement primaire et la semaine de quatre jours risquent au contraire d'être irréversibles. Et personne ne dit rien ou presque. Le forfait s'accomplit dans l'indifférence générale. Munich s'était accompagné d'un "lâche soulagement". Ce lâche consentement, lui aussi, annonce une débâcle.
Les comparaisons internationales nous montrent en mauvaise position et 10 % à 15 % des élèves qui entrent en 6e sont incapables de suivre. Et qu'est-ce qu'on fait ? On réduit la durée de l'enseignement ! A qui fera-t-on croire qu'il est possible d'apprendre mieux et plus en travaillant moins ? Même le ministre n'a pas osé dire du bien de cette mesure que lui a imposée - dit-on - un président qui n'a décidément pas besoin de réfléchir pour décider.
M. Darcos s'est borné à dire que nous restions "bien au-dessus de la moyenne des pays qui obtiennent les meilleures performances". Mais s'ils réussissent, c'est parce qu'ils répartissent les heures de classe dans toute la semaine. Vingt-quatre heures sur six jours sont beaucoup plus efficaces que sur quatre : tout le monde le sait. Du professeur Debré au docteur Hubert Montagner, les médecins ont répété que six heures de classe pour des enfants de moins de 8 ans, c'est trop pour être efficace.
Avec trente-six semaines de quatre jours, l'Ascension, le lundi de Pentecôte, le 1er et le 8 mai, le 11 novembre, cela fera moins de 140 jours de classe par an. Il y en a 210 au Japon, 200 en Italie et au Danemark, 188 en Finlande, 190 en Grande-Bretagne. Et l'on se plaint du niveau des petits Français ? Il n'y a qu'une chose vraiment importante en éducation : c'est le travail des élèves. Sur quel miracle, sur quelle potion magique, M. Darcos compte-t-il pour compenser les amputations qu'il décrète ?
Tout le monde le sait, mais personne ne dit rien. Où sont les défenseurs du niveau, si prompts à dénoncer toute innovation pédagogique ? La vague promesse d'un retour aux bonnes vieilles méthodes les rassure : elles ont fait leurs preuves, disent-ils. Mais à raison de trente heures par semaine, sans compter les heures supplémentaires prodiguées à la veille du certificat d'études. Croient-ils par hasard qu'elles seront aussi efficaces à raison de vingt-quatre heures ?
Avec un cinquième de temps en moins, il leur faudrait un an de plus. Et qu'on ne nous raconte pas qu'on va se concentrer sur les "fondamentaux", alors qu'on ajoute encore des matières. Et les parents d'élèves ? Ce sont les premiers intéressés. Trop contents de disposer du samedi matin, ils se sont bornés à des protestations de principe. Mais on pouvait leur donner cette matinée en prenant celle du mercredi ; un tribunal administratif vient de statuer que c'était compatible avec le catéchisme.
On pouvait aussi généraliser ce qui avait été accepté dans les départements qui avaient adopté la semaine de quatre jours : raccourcir un peu les vacances. Pas du tout : on supprime ces journées supplémentaires. Les princes qui nous gouvernent ne sont pas mesquins... La preuve ? Cette mesure ne rapporte rien au budget ; c'est pur cadeau.
Et les enseignants ? Rendons-leur cette justice : ils n'ont rien demandé. Les institutrices sont les premières inquiètes. Elles qui font travailler les élèves - car la classe n'est pas un cours -, elles mesurent mieux que quiconque l'impossibilité de faire plus avec moins et elles savent qu'on les rendra responsables, demain, des échecs de l'école. Mais comment refuser un cadeau pareil ? Et pourtant, cette mesure compromet, plus que bien d'autres qui provoquent des grèves, l'enseignement de haut niveau et la qualité du service public que les syndicats prétendent défendre.
Le résultat de ces lâchetés et de ces hypocrisies est connu d'avance : le nombre des élèves incapables de suivre en 6e va augmenter. Je dénie à quiconque ne proteste pas aujourd'hui de toutes ses forces contre cette mesure le droit d'ouvrir demain la bouche pour déplorer cet échec majeur.
Ceux qui se prétendent démocrates et défenseurs du service public et ne dénoncent pas aujourd'hui cette entreprise de déconstruction sont des menteurs. Les parents informés des classes moyennes et supérieures sauront compenser, par des recours divers et payants, mais fiscalement avantageux, les insuffisances organisées de l'école publique. Les milieux populaires, eux, feront les frais de cette amputation.
Il ne faut pas se payer de mots. J'attends qu'on m'explique comment des programmes plus copieux contribuent au resserrement sur les fondamentaux, et comment on apprend plus et mieux en travaillant moins.
Antoine Prost est historien de l'éducation.

lundi 26 mai 2008

Analyse : tout est dit





La leçon des néo-libéraux : comment ruiner l'école publique?



Par Marie Perret
Samedi 3 mai 2008





Quatre constats inquiétants

1. Plus de 150 000 élèves sortent chaque année du système scolaire sans diplôme.

2. Le recours à des officines de soutien privé est de plus en plus systématique. Il faut savoir qu’Acadomia, entreprise spécialisée dans les cours à domicile, est désormais cotée en bourse. Il y a, de fait, une privatisation rampante de l’enseignement.

3. L’école, depuis 30 ans, ne joue plus son rôle d’« ascenseur social ». Un exemple : il n’y a jamais eu aussi peu d’enfants d’ouvriers dans des grandes écoles comme Polytechnique ou Centrale qu’aujourd’hui.

4. Le niveau baisse. Il y a quelques années encore, il était de bon ton de railler les professeurs élitistes et grincheux, toujours prompts à « seriner l’antienne du niveau qui baisse ». Aujourd’hui, le constat est pour ainsi dire unanime. On tire la sonnette d’alarme à tous les niveaux, et dans toutes les matières. Instituteurs, professeurs de collège et de lycée, mais également professeurs d’université : tous déplorent le peu de culture des élèves et des étudiants,leur manque de repères historiques, leur difficulté à maîtriser la langue française, à organiser leur pensée de façon rigoureuse, à exprimer leurs idées de façon fine. Les raisons de ces difficultés ne sont pas seulement exogènes et sociologiques.
Si le niveau baisse, ce n’est pas seulement à cause de l’hégémonie de la société du spectacle ou de l’attitude « consommatrice » des jeunes : c’est aussi parce que l’école est de moins en moins exigeante. Bien sûr, le régime n’est pas le même partout : dans les grands lycées de centre ville, où sont généralement scolarisés les enfants de la bourgeoisie, les exigences sont restées à peu près les mêmes.
Dans les quartiers populaires, en revanche, les professeurs, débordés, gèrent tant bien que mal la violence liée à l’indiscipline en occupant les élèves, à défaut de les instruire. Les parents cherchent par tous les moyens à dé-sectoriser leurs enfants ou à les inscrire, quand ils sont assez riches, dans le privé.
Le contraste entre les établissements est désormais tellement marqué qu’il n’est pas excessif de parler d’une « école à deux vitesses ».
Ces quatre faits ne sont évidemment pas indépendants les uns des autres.
Le quatrième constat, qui est le plus déterminant, éclaire les trois autres : c’est parce que le niveau baisse que les familles bourgeoises enrichissent les officines de soutien privé tandis que les enfants des milieux populaires vont grossir les rangs de ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme. On ne s’étonnera donc pas que l’école joue aujourd’hui moins que jamais son rôle d’« ascenseur social ».

A qui profite le crime ?

La question qu’il faut poser est la suivante : qui a intérêt à ruiner l’école publique ? A qui profite le crime ?
En 1996, le centre de développement de l’OCDE a publié un intéressant rapport. Le titre est sibyllin (« La faisabilité politique de l’ajustement »), le style, technocratique, l’enjeu effrayant : sous couvert d’apprendre aux gouvernements comment réduire les déficits budgétaires, son auteur, Christian Morrisson, montre comment libéraliser tous les secteurs des activités humaines en « réduisant les risques » – entendez : en évitant la révolte sociale. Soit le problème suivant : étant donné qu’il n’y a pas de libéralisation possible sans destruction des services publics, étant donné que les peuples sont généralement attachés aux services publics, trouver le moyen de supprimer les services publics tout en évitant de mettre les gens dans la rue. La solution est simple, mais il fallait l’inventer : Christian Morrisson préconise la méthode douce qui consiste à diminuer la qualité des services publics. Dans l’extrait ci-dessous, l’auteur prend l’exemple de l’école. Goûtons ce morceau d’anthologie du cynisme néo-libéral :

« Les mesures de stabilisations peu dangereuses : Si l’on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de service, quitte à ce que la qualité baisse. On peut réduire, par exemple, les crédits de fonctionnement aux écoles ou aux universités, mais il serait dangereux de restreindre le nombre d’élèves ou d’étudiants. Les familles réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement et l’école peut progressivement et ponctuellement obtenir une contribution des familles, ou supprimer telle activité. Cela se fait au coup par coup, dans une école mais non dans l’établissement voisin, de telle sorte que l’on évite un mécontentement général de la population. »

Il n’y a qu’à diminuer progressivement la qualité de l’enseignement : les citoyens n’y verront que du feu. Personne ne descendra dans la rue, les gouvernants ne seront pas inquiétés, le secteur privé tirera tout le bénéfice, car les familles fuiront les établissements publics. Tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

Christian Morrisson décrit sans fard la réalité de l’école publique. La qualité de l’enseignement, depuis 30 ans, baisse à un point tel que les citoyens n’ont plus confiance dans leur école.
Résultat : la marchandisation de l’enseignement est en marche (après celle de l’eau, après celle des énergies, après celle de la santé, etc.). L’école publique se délite progressivement. On grogne bien ici ou là, on réclame davantage de moyens, mais force est de constater que la recette Morrisson marche bien : le « risque politique » que constitue le « mécontentement général de la population » est évité.
Les « idiots utiles »
Pour résister à cette entreprise de destruction de l’école publique, il aurait fallu défendre l’idéal
d’une institution forte, dévolue à la transmission de savoirs exigeants, sourde aux pressions venant de la société civile. Pour combattre efficacement Morrisson, il aurait fallu se ranger derrière Condorcet. On aurait pu croire que la gauche, fidèle aux principes de l’école républicaine, allait résister à l’offensive. Non seulement elle ne l’a pas fait, mais elle a apporté, à son corps défendant, un soutien inespéré au programme de la marchandisation de l’école. Le discours « pédagogiste » auquel une grande partie de la gauche a adhéré a eu pour principal effet de précipiter l’affaiblissement de l’institution scolaire ainsi que la baisse général du niveau. Voici quelques exemples de mesures qui ont participé à cette baisse :

• En valorisant des qualités qui n’ont rien à voir avec les compétences qu’on doit attendre d’un professeur, on a recruté des enseignants qui n’étaient pas toujours qualifiés. On a oublié qu’avant d’être « gentil », « dynamique », d’« aimer les élèves », de « participer activement au projet d’établissement », un professeur doit se distinguer par la maîtrise des savoirs qu’il transmet.

• En instaurant le passage automatique, on a fait en sorte que tous les élèves, même ceux qui n’ont pas le niveau, puissent passer dans la classe supérieure. Comme le redoublement est un luxe (les gestionnaires de l’éducation nationale savent que cela coûte de l’argent), on a poussé les professeurs au laxisme. Pire : on leur a retiré le droit de s’opposer au passage de tel ou tel élève dans les conseils de classe. Les parents sont généralement contents : ils pensent qu’on fait un cadeau à leurs enfants. Ils se trompent : en fait de cadeau, il ne s’agit que de faire des économies.

• Sous le prétexte idiot que la discipline ferait violence aux élèves, qu’un cours doit être « vivant», que le cours magistral est « ringard », on a laissé le désordre s’installer dans les classes. Les professeurs constatent amèrement qu’il est de plus en plus difficile de faire la classe dans de bonnes conditions et d’instruire les élèves.

• En bradant les diplômes qui, de fait, ont de moins en moins de valeur sur le marché du travail, on a poussé tout le monde à faire des études longues. Comme les conditions d’enseignement à l’Université sont souvent difficiles et parfois déplorables, comme les BTS et les IUT sont pleins, les parents qui ont de l’argent inscrivent leurs enfants dans des écoles supérieures privées (qui coûtent très cher). Ceux dont les parents n’ont pas les moyens se retrouvent sur le marché du travail : ils constituent alors une main d’oeuvre paupérisée, qui est d’autant plus exploitable par le patronat qu’elle est peu qualifiée.

• On a délaissé l’enseignement technique et professionnel, éternel parent pauvre de l’éducation nationale, alors qu’il peut assurer une solide formation à des élèves qui s’ennuient dans les filières générales.

• Au nom des meilleurs sentiments du monde, on a remis en question le principe d’égalité républicaine et condamné les élèves des quartiers populaires : au lieu d’exiger d’eux ce qu’on exige dans les collèges et les lycées parisiens, on a "adapté" l’enseignement (« inutile de leur faire lire Racine, Descartes ou Montaigne : c’est trop compliqué pour eux et puis c’est tellement éloigné de leurs préoccupations »). On enseigne les humanités aux fils et aux filles de la bourgeoisie, tandis qu’on expérimente, sur les enfants des quartiers populaires, les nouvelles "pédagogies".

Les moyens de résister

Comment résister à cette entreprise d’affaiblissement de l’école publique ?

Voici, pour conclure, quelques pistes :

• En renforçant l’institution scolaire : il faut instaurer de la discipline, élever le niveau des exigences, instruire les élèves (et non les occuper ou les amuser).

• En recrutant des professeurs compétents : il faut que ceux-ci soient recrutés sur concours nationaux, pour leurs savoirs ainsi que leur capacité à les transmettre le plus clairement et le plus rigoureusement possible.

• En concentrant les moyens dans les établissements des quartiers populaires : les professeurs les plus puissants, les mieux formés, les plus savants doivent être envoyés dans ces quartiers et exiger des élèves ce qu’ils exigeraient des élèves d’un lycée comme Henri IV.

• En cessant d’abaisser l’enseignement technique et professionnel : il faut que les élèves puissent en tirer une formation solide grâce à laquelle ils pourront trouver du travail, mais aussi suffisamment généraliste pour qu’ils puissent changer d’entreprise.

vendredi 23 mai 2008

Le service mini môme


Alors que les manifs contre les suppressions de postes dans la fonction publique sont de plus en plus importantes, Le roi Sarko tente une diversion en lançant le service mini môme.

Proverbe Sarkozien:
Quand je montre la grève, l'idiot regarde le service minimum !!!

Mais oui, que faire des enfants scolarisés en primaire et maternelle (en collège et lycée, un accueil des élèves est obligatoire) lorsque les parents bossent et que ces fainéants de profs font encore grève alors que le ministère ne négocie toujours pas avec les partenaires sociaux (ça fait pas partie de leur boulot ça ???) ?
Alors, pour ne pas pénaliser les gens qui veulent travailler plus pour gagner plus, le roi Sarko sort la carte du service minimum.

Mais, il me semble que ce même roi Sarko demande l'ouverture des magasins le dimanche.Que va-t-on faire des enfants des personnes qui vont bosser le dimanche ? Va-t-on imposer un service mini môme aux crèches et centres aérés ? A moins que l'on impose aux profs qui font grève en semaine de s'occuper des enfants des travailleurs du dimanche...




Mais non, la solution est tout autre. Le dimanche , il y a la messe !...Voila pourquoi le roi Sarko entretient de si bons rapports avec les représentants de dieu...c'est afin de pouvoir négocier avec eux qu'ils s'occupent des enfants des travailleurs du dimanche...Ils mettront à profit tout ce temps pour enseigner aux élèves ce que les professeurs ne peuvent leur transmettre (pour incompétence), soit, les différences entre le bien et le mal, le sens à la vie,...
Ils en feront des bons petits citoyens, qui, lorsqu'ils seront grands, préfèreront le fatalisme et la loi de dieu à la revendication et la lutte pour défendre leurs droits...

mardi 20 mai 2008

Incongru


Un prof de maths se rend comme chaque mardi matin dans la salle de cours qui lui a été assignée... Quelle surprise quand il se retrouve dans un bâtiment à moitié effondré, sa salle de classe vidée de ses chaises et de ses tables et en voie de "réhabilitation". On avait tout simplement oublié de lui dire que la bâtiment dans lequel il travaille serait en travaux. Il cherchera désespérément une salle disponible pendant son heure de cours.


C'est ce qui s'appelle "avoir de la considération'" pour le petit personnel d'Ubu...

vendredi 16 mai 2008

LES RAISONS DE LA COLERE



Point de vue
Lycéens : les raisons de la colère, par Florian Lecoultre (lycéen)
LE MONDE 14.05.08 13h52 • Mis à jour le 14.05.08 13h52

Si les lycéens descendent dans la rue depuis deux mois c'est bien que leur mouvement touche à des enjeux essentiels pour l'avenir du service public d'éducation. Des mobilisations locales, associant enseignants, parents et élèves ont débuté dès la notification aux établissements des dotations horaires avec lesquelles ils sont censés fonctionner lors de l'année scolaire 2008-2009. Au-delà des 11 200 postes en moins à la rentrée 2008, ce sont les 80 000
suppressions prévues pour les trois années à venir, s'ajoutant aux 25 300 postes
supprimés depuis 2003, qui inquiètent la communauté éducative.



En effet, alors que le nombre d'élèves augmente, comment lutter contre l'échec et la reproduction sociale, comment élever le niveau de formation en supprimant les moyens d'un suivi individualisé des élèves ? Sur le terrain, les effets de ces coupes budgétaires massives se font déjà ressentir : les classes dépassent désormais fréquemment les 35 élèves, de nombreuses options sont supprimées, accélérant la ghettoïsation de certains établissements... L'impression domine actuellement d'avoir atteint un point de non-retour dans les lycées.

Les suppressions de postes cristallisent aujourd'hui le mécontentement car elles traduisent une politique à courte vue, tournant le dos à toute véritable ambition éducative. Lors de sa récente intervention télévisée, le président de la République a malheureusement confirmé l'objectif purement comptable des réformes éducatives du gouvernement. La réforme du bac professionnel, conduite sans les lycéens, en est l'exemple type : ne cherchant ni à sortir ces filières de leur image de
relégation, ni à réduire l'échec massif dont les lycéens professionnels sont victimes, elle semble ne poursuivre que l'objectif comptable de supprimer une année de formation.

Les lycéens ne sont pas conservateurs ; au contraire, ils exigent des réformes, mais considèrent qu'elles doivent porter une ambition éducative, répondre à l'objectif d'une école plus juste, permettant l'émancipation des jeunes et l'élévation du niveau de formation de la population. Les moyens doivent ainsi découler des objectifs politiques fixés à l'école, et non constituer un préalable conduisant à revoir les objectifs à la
baisse.

(...)

Le président de la République a raison : si les lycéens se mobilisent c'est parce qu'ils sont inquiets pour leur avenir et qu'ils ont le sentiment d'être une génération
sacrifiée
sur l'autel de la rigueur. Cette situation est loin d'être normale et devrait révolter l'ensemble de la classe politique. Comment en effet
théoriser que par principe la jeunesse soit synonyme d'inquiétude pour l'avenir ? Comment se résoudre à ce que les jeunes Français soient les plus pessimistes d'Europe ? Les lycéens souhaitent au contraire en se mobilisant préserver leur droit à l'avenir et démontrer que la jeunesse doit être le moment de l'émancipation et de l'ouverture des possibles.

Crise des banlieues et mouvement lycéen contre la réforme du bac en 2005, mobilisation contre le CPE en 2006, mouvement des étudiants et lycéens contre la loi sur les libertés et responsabilités des universités en 2007, la fréquence des mobilisations de la jeunesse démontre, loin d'une tradition rituelle, l'ampleur de la crise sociale et générationnelle qui traverse le pays. Le gouvernement serait fort inspiré d'entendre le message de la jeunesse, faute de quoi c'est l'avenir de l'ensemble du pays qui sera compromis.

(...)
Florian Lecoultre, président de l'Union nationale lycéenne
Article paru dans l'édition du 15.05.08.