vendredi 30 janvier 2009

Les rustines de l'éducation...



L'année dernière, le rectorat a désigné volontaire le lycée où j'enseigne comme établissement pilote pour mettre en place du soutien. Il faut dire que mon lycée n'est pas dans les premiers de l'académie. Enfin tout est relatif, ça dépend des critères pris en compte pour ces fameux classements et surtout du sens dans lequel on lit le classement...Bon, je m'égare...

Revenons à cette histoire de soutien. Quoi de révolutionnaire, vous allez me dire ?! ça existait déjà. Mais non, car cette fois il s'agit de soutien ++ (toujours +, ce Sarko). En fait, ce sont des heures de soutien (environ 1000 pour l'année dans mon bahut) qui peuvent être faites dans n'importe quelle matière, pendant l'année scolaire mais également pendant les vacances scolaires (petites et grandes). Ce soutien ne fait pas l’objet d’évaluations. Il s’agit uniquement d’aide. Alors là, on peut se dire que le gouvernement met le paquet pour la réussite de nos élèves, tout ça aux frais du contribuable : Acadomia n'a plus qu'à déposer le bilan...beau geste, ça paraît même un peu louche. Comme dirait l'autre, y a mérou sous le cailloux, voire gravillon sous éléphant...


Réfléchissons ensemble sur les raisons de cet élan de générosité...


Tout d'abord, je tiens à préciser que je n'ai rien contre la mise en place d'un soutien fait intelligemment pour des élèves motivés. Encore faut-il que ce soutien ne soit pas une rustine (voire un cataplasme) permettant de remédier aux insuffisances des enseignements de base mis en place avec les nouveaux programmes des lycées.

  • Moins d'heures de cours dans quasiment toutes les matières.

  • Classes surchargées (c'est déjà souvent le cas).

  • Suppression des heures d'aide individualisée.

  • Suppression des cours en modules (½ classe).

  • Non évaluation d'un certain nombre des matières enseignées (sous-matières appelées « modules d'exploration »...); efficace pour motiver les élèves… Il faut au moins ne jamais avoir enseigné, pour penser à des choses pareilles.

  • Etc.


Un des secteurs industriels important est la maintenance. L’évolution de ce métier engendre qu’il consiste de moins en moins souvent à remettre en état un outil de travail mais beaucoup plus à aller à la rencontre des dysfonctionnements, à les anticiper. On est ainsi passé d’une "maintenance curative" à une "maintenance préventive". En ce qui concerne l'enseignement, ne sommes nous pas en train de passer, au contraire, de « programmes préventifs » à des « programmes curatifs » : enseignement au rabais toute l'année (cf. collèges et lycées light que la prochaine réforme ne va faire qu’aggraver) mais quelques heures de soutien pendant les vacances assurées par quelques « super profs » motivés (payés en heures supplémentaires) pour faire croire que tout est pour le mieux dans le meilleur des monde. Les parents, nouveaux « clients » du système éducatif, seront-ils dupes ?

Heureusement d’ailleurs qu'ils sont là, ces super profs motivés, ceux qui veulent remonter la France qui va si mal parce qu'on ne travaille pas assez...Heureusement qu'ils sont là pour pallier les manques d'apprentissage dus aux multiples jours de grèves faits par ces fainéants de profs toujours à se plaindre...

Bravo, Monsieur Sarko de diviser le corps enseignant : d'un côté le bon prof toujours prêt à travailler plus pour gagner plus (ou peut être juste à gagner + ) et de l'autre côté, le prof revendicatif et gréviste qui se bat pour avoir un système éducatif qui tient la route (pas comme les pneus crevés et rustinés). Un système qui joue son rôle d'ascenseur social. Bref, un prof toujours prêt à se battre plus pour un enseignement plus (mais un prof qui gagne moins…).


Par ailleurs, je pense qu'il y a également, de la part du gouvernement, un magnifique effet d'annonce. Regardez mesdames et messieurs, vos enfants aussi vont pouvoir travailler plus et sans que vous ne dépensiez plus... Vous avez vu comme on s'occupe bien d'eux...

Désormais, si les élèves n'ont pas suffisamment travaillé pendant l'année scolaire et ont préféré, en bons petits consommateurs abrutis, jouer sur leur PC ou mater les super programmes télé lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, on leur fera une bonne petite semaine de soutien, en petits groupes privilégiés de 15 élèves aux maximum pendant les vacances scolaires pour les préparer aux bacs ou à la classe supérieure (sympa le « permis de glander »). En effet, un des buts de tout ça, c'est également qu'il n'y ait plus de redoublement. Ca coûte cher les redoublements ma p'tite dame et ça ne sert à rien... L'Etat n'a plus d'argent, du moins pas pour éduquer le petit peuple...


Voilà, pour conclure, à partir de l'année prochaine, je suis un p'tit prof modèle. Je n'en fais pas lourd pendant l'année mais je ne fais jamais grève... Je fais en sorte qu'un petit nombre de mes élèves (entre 10 et 15) ait besoin de quelques cours en plus. Je demande à faire des heures de soutien que je viendrai assurer, payé en heures supplémentaires et dans de bonnes conditions de travail (peu d'élèves, peu de préparation et pas d'évaluation...cool).

Les petits conseils que je donne à mes enfants...travailler juste moyennement, ne vous fatiguez pas trop le soir, afin de profiter pleinement des heures de soutien, où là, vous pourrez enfin travailler dans de bonnes conditions...


Un prof anonyme. Cela est préférable par les temps qui courent... (cf. appel d'offres de Darcos pour la surveillance des profs) :

http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article8673 )